27 November 2013

Anticipation strategique

« Je ne crois pas, je vous le répète, à une guerre prochaine. »
 -Jules Simon, discours au Corps législatif, décembre 1867.

« Dans l’état actuel de l’Europe et dans la disposition de la classe ouvrière, ils [les gouvernements] ne pourraient sans péril pour eux-mêmes, déclencher la guerre. »
 -Résolution finale du Congrès de la Seconde Internationale, Bâle, 1913.

« Ce que je sais bien, c’est que les Allemands ne nous déclareront pas la guerre. Ce ne sont pas des idiots. Ils ne sont pas fous. Je vous le dis, ils ne feront pas la guerre. »
 -Aristide Briand, ministre de la justice, le 31 juillet 1914.

« Croyez-moi, l’Allemagne est incapable de faire la guerre. »
 -Lloyd George, Le Petit Journal, 1er août 1934.

« Mr Hitler est par nature artistique et non politique et, une fois réglée la question de la Pologne, il se propose de finir ses jours en artiste et non en faiseur de guerre. »
 -Sir Neville Chamberlain, déclaration après son entrevue avec Hitler à Berlin, 25 août 1939.

« Ni militairement, ni économiquement Hitler ne pourrait faire la guerre. L’Allemagne manque de cadres qualifiés dans tous les domaines. »
 -André Marty, Discours au Vel’d’Hiv, 19 février 1938.

« La paix est sauvée pour une génération ! »
 -Sir Neville Chamberlain, Premier ministre, au retour de Munich en septembre 1938.

« Une attaque japonaise sur Pearl Harbour est une impossibilité stratégique » général G F Eliot, « The impossible war with Japan »
 -The American Mercury, septembre 1938.

« L’idée que les Arabes puissent franchir le canal de Suez est une insulte à l’intelligence. »
 -Golda Meir, Premier ministre d’Israël, quelques mois avant la guerre du Kippour.

25 September 2013

23 September 2013

Traffic maritime au Nord de Bilbao




Image du transpondeur AIS au cours d'une nuit a 15 milles au Nord de Bilbao alors que je faisais route au moteur (ce qui explique la faible vitesse) ma position est representee par la croix au centre des cercles, le premier cercle a un diametre de 16milles nautiques.


06 March 2013

Stratégies de manipulation des masses

Noam Chomsky

Le linguiste nord-américain Noam Chomsky a élaboré une liste de stratégies de manipulation à travers les média.

1/ La stratégie de la distraction
Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions
Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.

3/ La stratégie de la dégradation
Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.

4/ La stratégie du différé
Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge
La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-âge ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? «Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celle d’une personne de 12 ans». Extrait de «Armes silencieuses pour guerres tranquilles»

6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…

7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise
Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

8/ Remplacer la révolte par la culpabilité
Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution!…

9/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes
Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.

01 March 2013

Esquiver un PV...

  par "Freud", lu sur : danstonchat.com

j'ai trouvé un truc pas con pour pas payer les prunes ça marche que depuis le quinquennat donc, les hypothèses sont les suivantes :
-à chaque élection présidentielles, il y a une amnistie des petits délits routiers, incluant les délits de stationnement non payé
-il y a une élection présidentielle tous les 5 ans donc, pour le test, on va dire que tu te gares devant le garage des flics, tu devrais pas trop tarder à te prendre une amende de 35 euros
tu rentres chez toi, tu la brûles tu reçois une lettre de rappel 2 mois plus tard elle est pas en recommandé => elle est pas censée être arrivée chez toi => tu la brûles
4 mois plus tard, tu reçois une autre lettre, toujours pas en recommandé => au feu
6 mois plus tard (donc ça fait déjà un an), tu te reçois une convocation au tribunal, en recommandé cette fois
là, tu feins l'innocence, disant que tu n'as jamais entendu parler de cette amende, et qu'un petit con a dû te la piquer quand elle était sur tes essuie-glace.
=> on reprend la procédure à 0, j'ai testé le truc, les pv majorés repassent au prix initial avec ça.
Là, t'as déjà gagné 1 an et 2 mois (rien que les intérêts ont déjà payé ton pv ^^)
tu te reçois donc de nouvelles lettres de rappel au bout de 2 et 6 mois, que tu utilises pour alimenter ton feu (et au passage tu fais donc des économies) => 1 an et 10 mois
puis, l'habituelle convocation au tribunal, que tu ignores, la procédure ayant lieu 2 mois plus tard, ça nous fait déjà 2 ans de passés.
t'es absent du tribunal, donc t'es pas au courant qu'on t'a condamné à payer ton pv majoré 15 fois
tu reçois le résultat du jugement, mais comme il est pas envoyé en recommandé, il va au feu
6 mois plus tard, tu reçois un rappel, toujours pas recommandé, donc au feu => 2 ans 6 mois
2 ans et 6 mois, c'est déjà 50% du pire des cas, à savoir le cas où tu te prends ta prune le lendemain des élections
6 mois plus tard, nouveau rappel, en recommandé cette fois, ça fait 3 ans
tu l'ignores toujours, c'est-à-dire que tu payes pas un an plus tard, ça commence à chauffer sérieusement, menaces d'huissiers et tout ça, tu ignores
et un an plus tard encore, ils mettent leur menace à exécution, ils amènent l'huissier chez toi
manque de bol pour eux, ce jour là on a un nouveau président
tu invites l'huissier à venir saisir ta télé et au moment de la saisir, il entend le nouveau président déclarer "et pour fêter ma victoire, j'amnistie tous les petits délits comme le défaut de paiement au stationnement ou les stationnements gênants".
Si t'es beau joueur, tu offres quand même un verre à l'huissier.
Certaines mauvaises langues vont jusqu'à dire qu'on a alors coûté 20 fois le prix du pv majoré à l'administration, mais comme dirait l'autre, à chacun sa merde.

http://danstonchat.com/

01 February 2013

Le Chat qui s’en va tout seul - Kipling


Hâtez-vous d'ouïr et d'entendre ; car ceci fut, arriva, devint et survint, ô Mieux Aimée, au temps où les bêtes Apprivoisées étaient encore sauvages. Le Chien était sauvage, et le Cheval était sauvage, et la Vache était sauvage, et le Cochon était sauvage — et ils se promenaient par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, tous sauvages et solitairement. Mais le plus sauvage de tous était le Chat. Il se promenait seul et tous lieux se valaient pour lui.
Naturellement, l'Homme était sauvage aussi. Il était sauvage que c'en était affreux. Il ne commença à s'apprivoiser que du jour où il rencontra la Femme, et elle lui dit qu'elle n'aimait pas la sauvagerie de ses manières. Elle s'arrangea, pour y coucher, une jolie caverne sèche au lieu d'un tas de feuilles humides ; elle poudra le sol de sable clair et elle fit un bon feu de bois au fond de la caverne ; puis elle pendit une peau de cheval, la queue en bas, devant l'entrée de la caverne, et dit :
— Essuie tes pieds, mon ami, quand tu rentres ; nous allons nous mettre en ménage.
Ce soir, Mieux Aimée, ils mangèrent du mouton sauvage cuit sur les pierres chaudes et relevé d'ail sauvage et de poivre sauvage ; et du canard sauvage farci de riz sauvage et de fenouil sauvage et de coriandre sauvage ; et des os à moelle de taureaux sauvages et des cerises sauvages, avec des arbouses de même. Puis l'Homme, très content, s'endormit devant le feu ; mais la Femme resta éveillée, à peigner ses cheveux. Elle prit l'épaule du mouton — la grande éclanche plate — et elle en observa les marques merveilleuses ; puis elle jeta plus de bois sur le feu et fit un Sortilège. Ce fut le premier Sort qu'on eût fait sur la terre.
Là-bas, dans les Bois Mouillés, tous les Animaux sauvages s'assemblèrent où ils pouvaient voir de loin la lumière du feu, et ils se demandèrent ce que cela signifiait.
Alors Cheval Sauvage piaffa et dit :
— Ô mes Amis, et vous, mes Ennemis, pourquoi l'Homme et la Femme ont-ils fait cette grande lumière dans cette grande Caverne, et quel mal en souffrirons-nous ?
Chien Sauvage leva le museau et renifla l'odeur du mouton cuit et dit :
— J'irai voir ; je crois que c'est bon. Chat, viens avec moi.
— Nenni ! dit le Chat. Je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi. Je n'irai pas.
— Donc, c'est fini nous deux, dit Chien Sauvage. Et il s'en fut au petit trot.
Il n'avait pas fait beaucoup de chemin que le Chat se dit : « Tous lieux se valent pour moi. Pourquoi n'irais-je pas voir aussi, voir, regarder, puis partir à mon gré ? » C'est pourquoi, tout doux, tout doux, à pieds de velours, il suivit Chien Sauvage et se cacha pour mieux entendre.
Quand Chien Sauvage atteignit l'entrée de la Caverne, il souleva du museau la peau du cheval sauvage et renifla la bonne odeur du mouton cuit, et la Femme, l'œil sur l'éclanche, l'entendit, et rit, et dit :
— Voici le premier. Sauvage enfant des Bois Sauvages, que veux-tu donc ?
Chien Sauvage dit :
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, qu'est-ce qui sent si bon par les Bois Sauvages ?
Alors la Femme prit un os du mouton et le jeta à Chien Sauvage et dit :
— Sauvage enfant du Bois Sauvage, goûte et connais.
Chien Sauvage rongea l'os, et c'était plus délicieux que tout ce qu'il avait goûté jusqu'alors, et dit :
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, donne-m'en un autre.
La Femme dit :
— Sauvage enfant du Bois Sauvage, aide mon Homme à chasser le jour et garde ce logis la nuit, et je te donnerai tous les os qu'il te faudra.
— Ah ! dit le Chat aux écoutes, voici une Femme très maligne ; mais elle n'est pas si maligne que moi.
Chien Sauvage entra, rampant, dans la Caverne et mit sa tête sur les genoux de la Femme, disant :
— Ô mon Amie, Femme de mon Ami, j'aiderai ton Homme à chasser le jour, et la nuit je garderai la Caverne.
— Tiens, dit le Chat aux écoutes, voilà un bien sot Chien !
Et il repartit par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, en remuant la queue et tout seul. Mais il ne dit rien à personne. Quand l'Homme se réveilla, il dit :
— Que fait Chien Sauvage ici ?
Et la Femme dit :
— Son nom n'est plus Chien Sauvage, mais Premier Ami ; car il sera maintenant notre ami à jamais et toujours. Prends-le quand tu vas à la chasse.
La nuit d'après, la Femme fut couper à grandes brassées vertes de l'herbe fraîche aux prés riverains et la sécha devant le feu. Cela fit une odeur de foin, et la Femme, assise à la porte de la Grotte, tressa un licol en lanières de cuir et regarda l'éclanche — le grand os de mouton plat — et fit un Sortilège. Elle fit le Second Sort qu'on eût fait sur la terre. Là-bas, dans les Bois Sauvages, tous les animaux se demandaient ce qui était arrivé à Chien Sauvage. À la fin, Poulain Sauvage frappa du pied et dit :
— J'irai voir et rapporter pourquoi Chien Sauvage n'est pas revenu. Chat, viens avec moi.
— Nenni ! dit le Chat. Je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi. Je n'irai pas.
Mais, tout de même, il suivit Poulain Sauvage, tout doux, tout doux, à pas de velours, et se cacha pour mieux entendre.
Quand la Femme entendit Poulain Sauvage qui butait en marchant sur sa longue crinière, elle rit et dit :
— Voici le second. Sauvage enfant du Bois Sauvage, que me veux-tu ?
Poulain Sauvage dit :
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, où est Chien Sauvage ?
La Femme rit, ramassa l'éclanche et le regarda, puis dit:
— Sauvage Enfant du Bois Sauvage, tu n'es pas venu pour Chien Sauvage, mais pour le foin qui sent bon.
Et Poulain Sauvage, qui butait en marchant sur sa longue crinière, dit :
— C'est vrai ; donne-m'en à manger. La Femme dit :
— Sauvage Enfant du Bois Sauvage, courbe la tête et porte le présent que je te donne ici ; à ce prix, mangeras-tu l'herbe merveilleuse trois fois le jour ?
— Ah ! dit le Chat aux écoutes, voici une Femme très maligne ; mais elle n'est pas aussi maligne que moi.
Le chat qui s'en va tout seul-1.jpg
Ça, c'est l'image de la Caverne où l'Homme et la Femme habitaient au commencement de tout. C'était vraiment une Caverne très bien et beaucoup plus chaude qu'elle n'en a l'air. L'Homme a une pirogue. Elle est sur le bord de la rivière et trempe dans l'eau pour gonfler le bois. La chose en ficelles, en travers de la rivière, est le filet dont l'Homme se sert pour prendre du saumon. Il y a de jolies pierres propres pour aller de l'entrée de la Caverne à la rivière, afin que l'Homme et la Femme puissent descendre chercher de l'eau sans se mettre du sable entre les doigts de pied. Les affaires qui ressemblent à des cafards, plus loin, le long de la rive, sont vraiment des troncs d'arbres morts qui ont descendu la rivière, venus des Bois Sauvages. L'Homme et la Femme les tiraient de l'eau afin de les sécher, puis de les couper avant de les brûler. Je n'ai pas dessiné la peau du cheval qui fermait l'entrée de la Caverne, parce que la Femme vient de la décrocher pour la laver. Toutes ces petites taches sur le sable, entre ta Grotte et la rivière, sont les marques des pieds de l'Homme et de la Femme. L'Homme et la Femme sont ensemble dans la Grotte, en train de dîner. Ils prirent une Caverne plus commode après l'arrivée du Bébé, parce que le Bébé avait pris l'habitude de s'en aller à quatre pattes jusqu'à la rivière et de tomber dedans, après quoi il fallait que le Chien le repêche.

Poulain Sauvage courba la tête et la Femme glissa par-dessus le licol de cuir tressé, et Poulain Sauvage souffla sur les pieds de la Femme et dit :
— Ô ma Maîtresse, Femme de mon Maître, je serai ton esclave à cause de l'herbe merveilleuse.
— Ah ! dit le Chat aux écoutes, voilà un sot Poulain. Et il s'en retourna par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, en remuant la queue et tout seul. Mais il ne dit rien à personne.
Quand l'Homme et le Chien revinrent de la chasse, l'Homme dit :
— Que fait le Poulain Sauvage ici ?
Et la Femme dit :
— Il ne s'appelle plus Poulain Sauvage, mais Premier Fidèle ; car il nous portera de place en place, désormais et toujours. Monte sur son dos, quand tu vas à la chasse.
Le jour après, la tête haute pour que ses cornes ne se prennent pas aux branches des arbres sauvages, Vache Sauvage vint à la Caverne, et le Chat suivit, se cachant comme avant ; et tout arriva tout à fait comme avant ; et le Chat dit les mêmes choses qu'avant ; et quand Vache Sauvage eut promis son lait à la Femme tous les jours, en échange de l'herbe merveilleuse, le Chat s'en retourna par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, en remuant la queue et tout seul, juste comme avant. Mais il ne dit rien à personne. Et quand l'Homme, le Cheval et le Chien revinrent de la chasse et demandèrent les mêmes questions qu'avant, la Femme dit :
— Son nom n'est plus Vache Sauvage, mais Nourricière du Logis. Elle nous donnera le bon lait tiède et blanc, désormais et toujours, et je prendrai soin d'elle, pendant que toi, Premier Ami et Premier Fidèle vous serez à la chasse.
Le jour après, le Chat attendit voir si quelque autre Chose Sauvage s'en irait à la Caverne ; mais rien ne bougea dans les Chemins Mouillés du Bois Sauvage. Alors le Chat s'en fut tout seul, et il vit la Femme qui trayait la Vache, et il vit la clarté du feu dans la Caverne, et il sentit l'odeur du lait tiède et blanc.
Chat dit :
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, où Vache Sauvage est-elle allée ?
La Femme rit et dit :
— Sauvage Enfant du Bois Sauvage, retourne au Bois d'où tu viens, car j'ai rattaché mes cheveux, j'ai serré l'éclanche magique, et nous n'avons plus besoin, dans notre Caverne, d'amis ni de serviteurs.
Chat dit :
— Je ne suis pas un ami et je ne suis pas un serviteur. Je suis le Chat qui s'en va tout seul, et je désire entrer dans votre Grotte.
La Femme dit :
— Alors, pourquoi n'es-tu pas venu la première nuit avec Premier Ami ?
Chat se fâcha très fort et dit :
— Chien Sauvage a-t-il fait des contes sur moi ? Alors la Femme rit et dit :
— Tu es le Chat qui s'en va tout seul, et tous lieux se valent pour toi. Tu n'es ami ni serviteur. Tu l'as dit toi-même. Va-t'en donc, puisque tous lieux se valent, te promener à ton gré.
Alors Chat fit semblant de regretter et dit :
— N'entrerai-je donc jamais dans la Grotte ? Ne m'assoirai-je jamais près du feu qui tient chaud ? Ne boirai-je jamais le lait tiède et blanc ? Vous êtes très sage et très belle. Vous ne devriez pas faire de mal, même à un Chat.
La Femme répondit :
— Je savais que j'étais sage ; mais belle, je ne savais pas. Soit. Nous ferons un marché. Si jamais je prononce un seul mot à ta louange, tu pourras entrer dans la Grotte.
— Et si tu en prononces deux ? dit le Chat.
— Cela n'arrivera jamais, dit la Femme ; mais si je prononce deux mots à ta louange, tu pourras t'asseoir près du feu dans la Grotte.
— Et si tu dis trois mots ? dit le Chat.
— Jamais cela n'arrivera, dit la Femme ; mais si je dis trois mots à ta louange, tu pourras laper le lait tiède et blanc trois fois le jour, à jamais.
Alors le Chat fit le gros dos et dit :
— Que le rideau qui ferme la Grotte, le Feu qui brûle au fond et les pots à lait rangés près du Feu soient témoins de ce qu'a juré mon Ennemie, Femme de mon Ennemi.
Et il s'en alla par les Chemins Mouillés des Bois Sauvages, remuant la queue et tout seul.
Cette nuit-là, quand l'Homme, le Cheval et le Chien revinrent de la chasse, la Femme ne leur parla pas du marché qu'elle avait fait avec le Chat, parce qu'elle avait peur qu'il ne leur plût point.
Chat s'en alla très loin et se cacha parmi les Mousses Mouillées des Bois Sauvages, tout seul, à son gré, pendant très longtemps, si long que la Femme n'y pensa plus. Seule, la Chauve-Souris, la petite Souris-Chauve, qui pendait tête en bas à l'intérieur de la Grotte, sut où il se cachait, et, tous les soirs, s'en allait voletant lui porter les nouvelles.
Un soir, Chauve-Souris dit :
— Il y a un Bébé dans la Grotte. Il est tout neuf, rose, gras et petit, et la Femme en fait grand cas.
— Ah ! dit le Chat aux écoutes ; et le Bébé, de quoi fait-il cas ?
— Il aime les choses moelleuses, douces et qui chatouillent. Il aime des choses tièdes à tenir dans les bras en s'endormant. Il aime qu'on joue avec. Il aime tout cela.
— Ah ! dit le Chat aux écoutes ; alors mon temps est venu.
La nuit après, Chat s'en vint par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage et se cacha tout contre la Grotte jusqu'au matin où l'Homme, le Cheval et le Chien partirent pour la chasse. La Femme faisait la cuisine, ce matin-là, et le Bébé pleurait et l'empêchait de travailler. C'est pourquoi elle le porta hors de la Grotte et lui donna une poignée de cailloux pour jouer. Mais le Bébé continua de pleurer.
Alors le Chat avança sa patte pelote et toucha la joue du Bébé, qui fit risette ; et le Chat se frotta contre les petits genoux dodus et chatouilla du bout de la queue sous le petit menton gras, et le Bébé riait. Et la Femme, l'entendant, sourit.
Alors la Chauve-Souris — la petite Souris-Chauve qui pendait la tête en bas — dit :
— 0 mon Hôtesse, Femme de mon Hôte et Mère du Fils de mon Hôte, un sauvage enfant des Bois Sauvages est là qui joue très bellement avec votre Bébé.
— Béni soit-il, quelque nom qu'on lui donne, dit la Femme en se redressant. J'avais fort à faire ce matin et il m'a rendu service.
À cette même minute et seconde, Mieux Aimée, la Peau de cheval séchée qui pendait, la queue en bas, devant la porte de la Caverne, tomba — wouch... à cause qu'elle se rappela le marché conclu avec le Chat ; et quand la Femme alla pour la raccrocher — vrai comme je le dis —, voilà qu'elle vit le Chat installé bien aise dans la Grotte.

Le chat qui s'en va tout seul-2.jpg
Ça, c'est le portrait du Chat qui s'en va par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, remuant la queue et tout seul. Il n'y a pas autre chose dans l'image, excepté des champignons. Ils ne pouvaient pas faire autrement que de pousser là, à cause que les Bois étaient si mouillés. La chose comme une motte sur la branche du bas n'est pas un oiseau. C'est de la mousse qui poussait là, parce- que les Bois Sauvages étaient si mouillés. Au-dessous de l'image pour de vrai, il y en a une autre de la Caverne commode où l'Homme et la Femme s'installèrent après la venue du Bébé. C'était la Caverne d'été, et Us plantèrent de l'orge devant. L'Homme part sur le dos du Cheval chercher la Vache, afin de la ramener à la Grotte pour se faire traire. Il lève une main pour appeler le Chien qui a traversé à la nage pour courir après des Lapins.

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, c'est moi ; car tu as prononcé un mot à ma louange, et maintenant je puis rester dans la Grotte, désormais et toujours. Pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul, et tous lieux se valent pour moi.
La Femme fut très en colère et serra les lèvres et prit son rouet et se mit à filer.
Mais le Bébé pleurait que le Chat fût parti et la Femme n'arrivait plus à le faire taire, car il gigotait et se débattait et devenait violet.
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, prends un bout du fil que tu files, attache-le à ton fuseau et laisse-le traîner par terre, et je te montrerai une Magie qui fera rire ton Bébé aussi fort qu'il pleure à présent.
— Je vais le faire, dit la Femme, parce que je suis à bout, mais je ne te dirai pas merci.
Elle attacha le fil au petit fuseau d'argile et le fit traîner par terre ; alors le Chat courut après et lui donna des coups de patte et fit des culbutes et l'envoya par-dessus son épaule et le poursuivit entre ses pattes de derrière et fit semblant de le perdre, et fonça dessus de nouveau jusqu'à ce que le Bébé rît aussi fort qu'il avait pleuré et jouât d'un bout de la grotte à l'autre tant qu'il fut las et s'installa pour dormir avec le Chat dans ses bras.
— Maintenant, dit Chat, je chanterai au Bébé une chanson qui l'empêchera de s'éveiller d'une heure.
Et il se mit à ronronner tout bas, tout doux, tout doux, tout bas, jusqu'à ce que le Bébé s'endormît.
La Femme sourit et les regarda tous deux et dit :
— Voilà qui fut très bien fait. Nul doute que tu sois très habile, ô Chat.
À la minute, à la seconde, Mieux Aimée, la fumée du Feu au fond de la Grotte descendit tout à coup de la voûte — poff ! — parce qu'elle se rappelait le marché fait avec le Chat, et quand elle se dissipa, vrai comme je le dis, voici le Chat installé bien aise auprès du feu !
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, et Mère de mon Ennemi, c'est moi ; car pour la seconde fois tu as parlé à ma louange, et maintenant j'ai droit de me mettre auprès du feu qui tient chaud, désormais et toujours. Pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul, et tous lieux se valent pour moi.
Alors la Femme fut très en colère et défit ses cheveux et remit du bois sur le feu et sortit le grand os d'éclanche et se mit à faire un sortilège qui l'empêchât de dire un troisième mot à la louange du Chat. Ce n'était pas une magie à musique, Mieux Aimée, c'était une magie muette ; et bientôt il fit si tranquille dans la Grotte, qu'un petit, tout petit bout de souris sortit d'un coin noir et traversa en courant.
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, cette petite souris fait-elle partie de ton sortilège ?
— Hou ! Oh ! là là ! Au secours !. Non, certes, dit la Femme en laissant tomber l'éclanche et en sautant sur l'escabeau devant le feu et en rattachant ses cheveux dare-dare, de peur que la souris n'y grimpât.
— Ah ! dit le Chat ouvrant l'œil. Alors la souris ne me fera pas de mal si je la mange ?
— Non, dit la Femme, en rattachant ses cheveux, mange-la vite et je t'en serai reconnaissante à jamais.
Chat ne fit qu'un bond et goba la petite souris. Alors la Femme dit :
— Merci mille fois. Le Premier Ami lui-même n'attrape pas les petites souris aussi vivement. Tu dois être très habile.
À la minute, à la seconde, Mieux Aimée, le Pot à Lait qui chauffait devant le feu se fendit en deux — ffft ! — parce qu'il se rappela le marché conclu avec le Chat ; et quand la Femme sauta à bas de l'escabeau — vrai comme je le dis ! — voilà le Chat qui lapait le lait tiède et blanc resté au creux d'un des morceaux.
— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, c'est moi. Car tu as dit trois mots à ma louange et, maintenant, je pourrai boire le lait tiède et blanc trois fois le jour à tout jamais. Mais, pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi.
Alors la Femme rit et mit devant le Chat un bol de lait tiède et blanc et dit :
— Ô Chat, tu es aussi habile qu'un homme, mais souviens-toi, ton marché ne fut conclu avec l'Homme ni le Chien, et je ne sais pas ce qu'ils feront en rentrant.
— Que m'importe, dit le Chat. Pourvu que j'aie ma place dans la Grotte, près du feu et mon lait tiède et blanc trois fois le jour, je ne me soucie pas de l'Homme ni du Chien.
Ce soir-là, quand l'Homme et le Chien rentrèrent dans la Grotte, la Femme leur dit l'histoire du marché, tandis que le Chat, assis au coin du feu; souriait en écoutant. Alors l'Homme dit :
— Oui, mais il n'a pas fait de marché avec moi ni avec tous les Hommes qui me ressemblent.
Alors il retira ses deux bottes de cuir, il prit sa hachette de pierre (ce qui fait trois) et les rangea devant lui et dit :
— Maintenant nous ferons marché à notre tour. Si tu n'attrapes pas les souris tant que tu seras dans la Grotte à jamais et toujours, je te jetterai ces trois choses partout où je te verrai, et de même feront après moi tous les Hommes qui me ressemblent
— Ah ! dit la Femme aux écoutes, tu es un très habile Chat, mais pas autant que mon Homme.
Le Chat compta les trois choses (elles avaient l'air très dures et bosselées), et il dit :
— J'attraperai des souris tant que je serai dans la Grotte à jamais et toujours ; mais, pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi.
— Pas tant que je serai par là, dit l'Homme. Si tu n'avais pas dit ces derniers mots, j'aurais serré ces choses pour jamais et toujours, mais à présent je te jetterai mes deux bottes et ma hachette de pierre (ce qui fait trois) toutes les fois que je te rencontrerai. Et ainsi feront après moi tous les Hommes qui me ressemblent.
Alors le Chien dit :
— Attends une minute. Il n'a pas fait marché avec moi ni avec tous les Chiens qui me ressemblent.
Et il montra les dents et dit :
— Si tu n'es pas gentil pour le Bébé pendant que je suis dans la Grotte, je te courrai après jusqu'à ce que je t'attrape, et quand je t'attraperai je te mordrai. Et ainsi feront avec moi tous les Chiens qui me ressemblent.
— Ah ! dit la Femme aux écoutes. C'est là un très habile Chat, mais pas autant que le Chien.
Chat compta les crocs du Chien (ils avaient l'air très pointus), et il dit :
— Je serai gentil pour le Bébé tant que je serai dans la Grotte et pourvu qu'il ne me tire pas la queue trop fort, à jamais et toujours. Mais, pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi !
— Pas tant que je suis là, dit le Chien. Si tu n'avais pas dit ces derniers mots, j'aurais refermé ma gueule pour toujours et jamais : mais à présent je te ferai grimper aux arbres en quelque endroit que je te trouve. Et ainsi feront après moi tous les Chiens qui me ressemblent.
Alors l'Homme jeta ses deux bottes et sa hachette de pierre (ce qui fait trois), et le Chat s'enfuit hors de la Grotte et le Chien courut et le fit monter aux arbres ; et de ce jour à celui-ci, Mieux Aimée, trois Hommes sur cinq ne manqueront jamais de jeter des choses à un Chat quand ils le rencontrent, et tous les Chiens courront après et le feront grimper aux arbres. Mais le Chat s'en tient au marché de son côté pareillement. Il tuera les souris, il sera gentil pour les Bébés tant qu'il est dans la maison et qu'ils ne lui tirent pas la queue trop fort. Mais quand il a fait cela, entre-temps, et quand la lune se lève et que la nuit vient, il est le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour lui. Alors il s'en va par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, sous les Arbres ou sur les Toits, remuant sa queue, solitaire et sauvage.

Le chat qui s'en va tout seul-3.jpg

08 January 2013

A propos de navigation en solitaire v0.2

Dernière mise à jour : 10/01/2013


J'écris cet article pour partager un peu à propos de cette activité qui depuis que j'y ais touché m'exalte tant. Le but ici ne sera pas de couvrir la technique, même si j'évoque vite fait quelques points, mais de toucher ce qui humainement en fait une expérience extraordinaire j'essaierai donc plus bas de parler de ressenti, d'émotions... et autres concepts bien flous.

Pourquoi naviguer en solitaire ?
Je vois deux raisons principales:
  • Par nécessité, car on ne trouve pas d'équipiers, ou que pour x raison, le ou les équipiers ne sont plus/pas utiles (incompétence, mal de mer, blessure, maladie etc..).
  • Par goût. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, et que j'aborde plus bas. La les raisons sont multiples, et peut être pas toujours avouées. Mais c'est bien par gout, que l'on navigue seul, et il faut vite oublier l'image du gars collé à sa barre 24h/24 défiant les éléments et ne dormant jamais... c'est archi faux. C'est un plaisir, et pas un plaisir de masochiste, même si c'est parfois dur...

Quelle est la différence entre naviguer en solo et naviguer en équipage ?
  • Moins de bras pour effectuer une manœuvre, la conséquence est que la manœuvre devra être anticipée, et réfléchie pour pallier à ce manque de bras. Le point fort est qu’il ne peut pas y avoir des problèmes de synchronisations, ou de communications, tout étant géré par une seule personne les actions s’enchainent sans problèmes de communication (ca ne veut pas dire que ce sera enchainé sans cafouillages). Et Si la manœuvre échoue, recourir au plan B … vous avez préparé un plan B avant non ?
  • Moins de sommeil,  en fait pas forcément, dans les zones ou on attend du trafic et ou donc la veille devra être assidue on dormira forcement beaucoup moins qu'en équipage, mais hors des zones de trafic, en régulant bien son sommeil on peut tout à fait dormir presqu'autant qu'en équipage. Voir plus bas.
  • Plus de fatigue, pas nécessairement tout le temps, mais lorsque l'on passe son temps à manœuvrer parce que le vent est inconstant, ou lors de changements de voiles dans du gros temps, oui clairement.
  • Moins de compétences, tous les domaines de la nav doivent sinon être maitrisées au moins un minimum assurés, mais personne n'est parfait et il y aura donc forcement des faiblesses dans certains domaines, que ce soit la météo, la manœuvre ou autre.
  • Moins de sécurité, seul c'est moins de ressources, moins de veille, moins de force (moins de bras) et moins d'endurance.
  • Aspect social : manque de compagnie, de contact avec l'autre, pour certains cela peut être un handicap, pour d'autres un privilège... Voir plus bas.
  • On est seul responsable, ca semble évident mais ca fait du bien de le dire, les succès comme les échecs sont notre seule responsabilité. Et c'est a mon avis une grande source de satisfaction, ou ... d'humilité suivant les circonstances.


Méthodes et Précautions :
Je ne vais pas m'étendre sur les méthodes ou les précautions parce qu’il me semble que des gens bien plus compétents que moi ont déjà abordé ces points, je relèverai juste quelques points, certains sont logiques et devraient déjà être pris en compte en navigation en équipage, d'autres évidents mais qu'il faut quand même signaler/souligner:
  • Tomber a l'eau en solo, ca sent le sapin c'est certain, et avec ou sans gilet, la seule chose est d'être solidement sanglé au bateau, et encore faut il que la sangle ne soit pas trop longue car ont peut tout a fait tomber du bateau et se retrouver trainé collé à la coque par la vitesse et incapable de remonter si l'on ne s'est pas assommé en tombant, le harnais doit aussi passer sous l'haine, des bateaux ont déjà étés retrouvés le harnais trainant dans l'eau, naviguant seuls... la balise, oui c'est peut être pas mal, mais combien de temps résiste-t-on à une hypothermie ? Est ce que la cavalerie va arriver en temps ? J'en doute fortement... Rien ne me terrifie plus (et je n'exagère pas sur l'idée de terreur) que d'imaginer voir mon voilier filer tout seul alors que je reste comme un con a barboter. Si possible tout renvoyer au cockpit, et éviter d'en sortir lorsque les conditions se gâtent.
  • Anticipation, météo, manœuvres etc... autant on ne peut avoir de problèmes de synchronisation seul, autant on ne peut faire deux choses à la fois.
  • Gestion des priorités, va de paire avec l'anticipation.
  • Il faut être d'une grande rigueur sur le rangement, et la je ne parle pas du linge sale... on doit pouvoir retrouver ce que l'on cherche les yeux fermés. C'est vrai en équipage encore plus vrai seul, mais ici si un truc est mal rangé on ne peut plus accuser un équipier... Cela inclut un pont clair, dans lequel les plats de spaghettis seront réduits au minimum.
  • La majeure partie des actions doit être réalisable en mode "lobotomisé", c'est à dire qu'il faut que toutes manœuvres ou actions courantes soient un automatisme, cela ne vient que par la pratique. 
  • Prévoir les zones de trafic et les routes, pointer sur la carte afin d’anticiper ces zones, cela en s’aidant des pilots-charts qui présentent les grands routes et aussi de la logique ! Imaginer les routes comme Gibraltar-Madère ou Corogne-Azores. Les pécheurs sont attendus sur les hauts fonds donc comme les routes de cargos ont peut anticiper leur présence sur les bancs, ou a l'acore de canyons.
  • Si l’on doit naviguer parallèle a la côte ne pas hésiter à mettre beaucoup de distance entre soi et la côte (50 milles en moyenne, et 15 milles mini, et/ou au moins trois heures de route de la cote). Ceci permettant d'éviter la majorité du trafic, et aussi donner du temps en cas d'avarie.
  • Il ne faut pas être obligé de barrer : pilote ou pilote +  régulateur d'allures fiables. Le régulateur d'allure est a mon avis essentiel, et complémentaire d'un pilote électrique, le régulateur ne consomme rien, et surtout reste réparable avec les moyens du bord, ce qui n'empêche pas d'avoir les rechanges pour les pièces qui peuvent paraître les plus sensibles. Si on est obligé de barrer ... alors ca devient épineux... il faut pouvoir en ayant bien réglé le bateau et la barre attachée, continuer à faire route, là la connaissance de son bateau et la pratique entrent en jeu.
  • Ne pas hésiter à sous-toiler, surtout la nuit ou si l'on se sait fatigué, ou tout simplement pour se donner du temps pour réfléchir, ou pour préparer la prochaine manœuvre à l'approche d'une côte par exemple.
  • On ne peut pas se permettre de se blesser en particulier les pieds et les mains : pas de manœuvre sur le pont pieds nus surtout la nuit, pas de manœuvre de mouillage sans gants. Une bonne pharmacie dont on sait se servir, pour aider quand les ennuis arrivent est essentielle, noter aussi qu'avec le sel même de petites égratignures vont mettre longtemps à cicatriser. Et quoiqu'on en dise, une blessure peut s'infecter en mer, ne pas oublier qu'un bateau contient un moteur diesel (le gasoil est source d'infections, l'huile aussi), de toilettes et d'autres sources d'infections.
  • Tenir un journal de bord, c'est en théorie une obligation, seul il me semble que c'est d'une très grande utilité, quand on sera dans ces "états" étranges de désorientation causes par une grosse dette de sommeil, il sera bien utile de pouvoir relire sa position, l'état du temps il y a quelques heures (baromètre etc..). Ca peut sembler bête, mais je développerai plus bas ces états étranges dans lesquels on peut arriver à se retrouver parfois. En solo le temps prenant une consistance toute particulière c'est aussi une attache avec la réalité, et on sera toujours content de le relire par la suite (sous un pommier, ou à cote d'une cheminée), parfois en relisant le mien, je peux juger de l'état d'après la calligraphie etc.  

La gestion du sommeil :
C'est un point essentiel en solitaire, a ce sujet j'ai rédigé il y a quelques temps un article que je continue à mettre a jour :
Gestion du sommeil en navigation solitaire


L'aspect humain / Psychologique et autre truc flous
Et donc tout ca pour arriver aux raisons et aux conséquences psychologiques qui font que l'ont peut aimer naviguer seul. Je ne parle pas d'une sortie à la journée, en fait je fais assez peu de sortie a la journée, je commence à apprécier une virée en bateau si elle comporte au moins une nuit en mer.

Les Conséquences psychologiques/physiologiques
Certains disent que l'être humain est un animal sociable, d'autres précisent avec humour que c'est un animal sociable qui déteste ses semblables... en cherchant sur internet j'ai même trouvé un sujet de philosophie "Sans autrui puis-je être humain?" ...
Bref, je vais essayer de ne pas tomber dans la philosophie dans cette partie, toujours est il que clairement les humains vivent et ont toujours vécu (a quelques exceptions prés) en société, c'est à dire parmi leurs semblables. Nous sommes habitués depuis notre enfance à la présence et à l'intéraction avec d'autres et ce de manière très régulière.

 Le manque de contacts humains sur de longues périodes peut ainsi créer un manque difficile a vivre pour certains. Il faut comprendre que l'isolement prolongé allié aux interruptions de sommeil/dette de sommeil est couramment utilisé comme méthode de pression (certains qualifieront cela de  torture). C'est donc clairement une pression forte que subit la personne, mais ici que l'on soit bien clair, on se réveil parce qu'on le veut, on réduit volontairement son sommeil, on s'isole volontairement. Il y a clairement un impact physiologique/psychologique, mais si l'individu n'est pas gêné par l'isolement, parfait; et pour ceux qui ne connaissent pas comprendre que ca peut être un sacré isolement de ne voir aucun signe de vie humaine, rien a l'horizon pendant plusieurs jours d'affilée, et là, pas de téléphone, pas de moyen en un instant de voir quelqu'un, on est loin des habitudes de notre 21eme siècle ou tout est à quelques secondes de distances.
 
 Dans ces conditions, je crois que tous ceux qui naviguent seuls ont vécu ces choses étranges, entendre des voix par exemple est un grand classique, je suppose que c'est le cerveau qui transforme les sons normaux du bateau en ces voix dont on n'arrive pas a comprendre ce qu'elles disent mais qui pourtant semblent si réelles, allongé peinard en train de lire plusieurs fois il m'est arrivé de sortir en vitesse, de regarder alentours, à me demander si un autre voilier ne se serait pas approché et quelqu'un ne serait pas en train de me héler, ou s'ils ne seraient pas en train de discuter autour d'un apéro ... mais non rien.
 J'ai souvent entendu les voix, même lorsque je n'étais pas spécialement fatigué ni en manque de sommeil.

 Le manque de sommeil a par contre des conséquences beaucoup plus sérieuses, le sommeil et les rêves sont un besoin physiologique essentiel au bon fonctionnement de l'être humain. Il semble que trop longtemps prive de sommeil, le cerveau va en fait provoquer des rêves éveillés, qui vont très naturellement se superposer a la réalité, donnant donc des hallucinations tout a fait convaincantes, on peut dans un premier temps comprendre que l'on vie une hallucinations, par contre passe une limite l'hallucination est totale, et peut devenir dangereuse, certains se croyant arrivés au port ont ainsi sauté du bateau croyant atterrir sur le ponton ... dommage ... d'autres voient des proches, ce n'est en rien une légende, de Slocum a Le Cam, en passant par d'autres bien plus modestes, dont le rédacteur de ces lignes l'ont vécu. Savoir que cela peut arriver est un premier pas pour comprendre, mais je ne fait pas de régates, je n'ai donc pas a rester a l'affut pour gratter un poullieme de nœud, et maintenant mon bateau est équipé d'un régulateur d'allure, je ne suis plus obligé comme sur mon premier bateau de rester collé à la barre, je peux maintenant aller faire mes siestes comme j'en parle dans l'article sur le sommeil, je n'ai donc plus eu d'hallucinations visuelles depuis longtemps.

 Plusieurs récits de marins solitaires mentionnent des choses étranges comme des oiseaux qui feraient des dizaines de mètres d'envergures, ou encore d'étranges bêtes dans l'eau (sirènes, et formes étranges), ou encore des fascinations, des états hypnotiques, la je manque de billes pour parler, l'hypnose je pense avoir vécu, quand vagues après vagues, le bruit, le vent, ce mouvement infini, cet environnement qui paraît si semblable, et qui pourtant change constamment, et vague après vague ... et le vent, et l'eau qui coure sur la carène.... Bernard Moitessier relate un épisode d'hypnose fascinant dans "la longue route" dans le grand sud ou il reste au delà du raisonnable dehors fasciné par ce monde... jusqu'au moment ou son bateau manque de partir au tas, ce qui le sort de son hypnose, et la se rend compte qu'il s'est uriné dessus, qu'il est temps de réduire la voilure car ces beaux surfs il était alors à peu d'aller les faire pour l'éternité en compagnie des dauphins... Il semble que ceux qui ont navigué dans le grand sud aient vécu cela plus que les autres, pourquoi ? Aucune idée... l'isolement, la lumière, mais j'irais bien promener ma quille là-bas pour voir.

 L'isolement, le manque de sommeil et je ne sais trop quoi encore nous altère physiologiquement, mais ce n'est pas juste une histoire de chimie, bien que clairement cela ait un poids dans l'expérience de celui qui navigue seul plusieurs jours, il se passe autre chose...

Le ressentit et les « trucs flous » :
 Là on aborde la partie de l'article qui est personnelle, ce n'est que ce que je ressens. Ici rien n'est justifié, ce n'est que pure subjectivité, des impressions de vagues suppositions, des histoires de caractère.

 Le caractère, en premier lieu, ce n'est pas parce que l'on navigue seul que l'on est plus compétent, pour ma part n'ayant que très rarement navigué avec d'autres, je suis persuadé d'être nettement moins compétent que d'autres, qui sortent tout le temps, partagent leurs trucs, affinent leurs manœuvres, pas que je ne cherche pas à m'améliorer, mais sans échange sur le vif, je ne pense pas être autant au point, et je suis convaincu d'avoir beaucoup à apprendre.
 Pour être honnête ca me coute d'embarquer quelqu'un sur mon bateau pour une navigation (par contre aucun problème à partager cet espace pour un apéro au port), il faut vraiment que j'apprécie les personnes pour les tolérer a mon bord, c'est un peu comme la violation d'un espace que je considère comme très intime. C'est dur a expliquer, certains que j'ai parfois reçu a mon bord avec une certaine reluctance, ne comprenaient pas trop.
 Cela pour dire que le fait de naviguer seul, n'est pas synonyme (je parle pour moi) de compétence mais bien de caractère, je préfère généralement être seul. Certains navigateurs très compétents préfèrent embarquer quelqu'un uniquement pour la compagnie.
 Il y a une image du type qui navigue seul, l'ours, le grognon qui s'isole, le gars qui n'aime pas aller vers les autres, dans mon cas c'est un peu vrai, je ne suis pas sociable par nature, et ne vais généralement pas trop vers les gens. Par contre arrivant d'une croisière seul, je deviens beaucoup plus sociable, j'ai tendance à beaucoup plus apprécier mes semblables, et bien mieux tolérer leur compagnie.
 Je pense que le fait de se retrouver seul la première fois hors des atteintes de la société, hors des lois, des tabous (autant que l'on peut s'en éloigner malgré notre éducation) c'est voir si l'on n'est pas tout simplement fou a lier, je suis convaincu que certains fous ne sont maintenus raisonnables que par la pression sociale, que ces personnes seules loin de toute pression normale se révéleraient totalement démentes. Ce n'est pas mon cas, et quelque part je trouve ca rassurant, je ne me suis jamais trouvé un comportement irrationnel; mais la première fois que j'ai navigué quelques jours seuls je doits dire que c'est un doute qui m'a assailli, je me suis demandé si je n'allais pas me mettre à miauler, ou a appâter ma ligne de pêche avec mes organes génitaux... bon ca n'a pas été le cas ils sont encore bien attachés !
 La première fois que l'on décide d'aller faire un tour seul, est ce que ce n'est pas aussi pour se prouver ou pour prouver aux "autres" de quoi on est capable ? Quand on voit ce que l'imaginaire collectif se trimballe à propos des marins, ou des marins solitaires. Dans un des documents sur la solitaire du figaro, il est mentionne "Les évaluations psychologiques effectuées sur des jeunes solitaires devenus des champions mettent en évidence un besoin énorme de reconnaissance sociale. Cette attente semble le moteur principal de leur engagement dans un projet solitaire."
 Hors du cadre de la compétition je pense que l'on peut modérer l'importance de cette motivation, toutefois elle existe.
 Le même document définit aussi un trait de caractère type rencontré chez les compétiteurs de la figaro, "une tendance du comportement à tenter d'effectuer les choses par soi même, sans forcément s'appuyer sur les autres" [...] "Ce profil d'indépendance, commun a tous les solitaires, s'inscrit aussi dans un domaine compétitif qui touche le domaine de l'autre." Le désir d'indépendance, n'est pas uniquement un désir d'autonomie, mais aussi un désir de se valoriser à l'autre.

 Et les autres ? Aussi asocial, ou renferme de caractère que l'image générale le définit celui qui navigue seul le fait entre autre par rapport aux autres. Patmic (www.hisse-et-oh.com) dit à propos du fait de naviguer seul que c'est pour "se sentir proche de l'humanité et loin des hommes". Un autre citera Jean-Saul Partre "L'enfer c'est les autres". Le désir d'être seul est une réaction aux autres. Les autres dans l'ensemble c'est la société; a l'unité une femme ou un homme, en groupe idéal l'Humanité. Paradoxalement quand on navigue seul le rapport aux autres a donc un sens (même si sens et direction nous éloignent de l'autre). Seul en mer, dans ce milieu si absolu on a tendance a idéaliser, et comme le dit Patmic, on se rapproche de l'Humanité, jusqu'au moment ou en rentrant au port on doit commencer les pénibles palabres avec tel agent du port ou des douanes, les hommes que l'on cherchait tant a fuir...
 La solitude implique aussi que l'on n'est plus soumis au regard des autres, on peut ainsi agir sans peur du jugement, et ca a je crois un poids très particulier. Combien de personnes soumises au jour le jour à la "pression sociale" vont agir d'une manière donnée, alors que dégagée de la crainte du jugement des autres la réaction pourrait être bien différente. La conséquence pour celui qui navigue seul, c'est qu'ainsi il n'a pas a justifier ses actions, on peut ainsi un jour se fixer une destination, et le lendemain en changer, sans avoir a s'expliquer, on peut aussi se laisser a nos sentiments, pleurer, bondir de joie, ou hurler de rage sans crainte du jugement.
 La présence de l'autre c'est aussi une responsabilité, le patron d'un petit canot a la sécurité somme toute incertaine a la responsabilité de ses passagers ou équipiers. Seul, cette responsabilité disparait, on peut donc faire des choix dont nous sommes moins sur du résultat, ou encore dont les conséquences (parfois dures) n'auront pas à être supportées par d'autres.  La mer c'est l'obligation de résultat, on se doit d'arriver, et, dans une plage de temps respectable, et en n'ayant rien endommagé de trop sérieux, ou ce qui aura été endommagé de sérieux (sérieux ici définit ce qui est nécessaire à la marche du navire) aura été réparé. Seul, cette obligation de résultat est encore plus flagrante, hors de question de compter sur une aide extérieure; dailleurs dans le guide du SHOM "Naviguer en securite", il est mentionne : "La liberte en mer, consiste a compter sur soi et uniquement sur soi."
 La responsabilité en bateau est ainsi totale, c'est d’ailleurs de nos jours une des rares situations ou on peut encore être entièrement responsable de ses actes. Dans notre société actuelle, qui cherche toujours à reporter la responsabilité, un tel concept de responsabilité totale peut donner le vertige. Les données sont simples et d'une très grande clarté, si j’échoue je risque de ne pas survivre, et je me suis engagé seul dans ce canot, pas de responsabilité extérieure à chercher. C'est d’ailleurs un comportement que l'on a après avoir navigue seul tendance à reporter dans la vie de tous les jours. Et se considérant entièrement responsable de ses actes, on considère sa vie comme sa navigation en solo, ce sont nos actions, accomplies sur nos temps de vie, si on ne gène pas les autres, alors pas de comptes à rendre. Et c'est justement les autres qui reviennent... Un tel comportement ignorant les règles, ne rendant de comptes a personne n'a pas tellement sa place en société. Naviguer seul en haute mer, c'est bel et bien se retrouver hors de portée de toutes lois, là dessus je manque d'informations, mais il me semble bien qu'en haute mer, à part les trafics de drogues, la piraterie et l'esclavage on ne peut pas vous reprocher grand chose. C'est donc littéralement se sortir de la société, pour un temps déterminé certes, mais quand même, ce n'est pas tous les jours que ca arrive... en fait je ne vois pas d'autres circonstances ou cela peut arriver.

 Il apparait une certaine liberté à être ainsi seul, c'est une liberté toute relative bien sur, un bateau de par son exigüité, ses contraintes et son isolement est une petite prison, dans laquelle on a en plus une chance d'être noyé ! La liberté ce n'est jamais que choisir ses contraintes, et ici le jeu des contraintes/règles est particulier. Les règles peuvent être dures, mais elles sont d'une grande simplicité, d'une grande honnêteté et sans détours. L'environnement n'est pas méchant, cruel ou fourbe (quoique parfois on se demande...) il est. C'est un environnement purement naturel qui n'a pas été conçu par ou pour l'homme, et dans lequel on ne peut vivre sans artifice (un canot pour commencer).
 Ce qui me semble façonne le plus mon état d'esprit en mer est le fait d'être a la fois tout le temps en train de dormir et tout le temps réveillé, toutes les heures du jour ou de la nuit se valent, le temps change alors réellement de consistance, il peut parfois s'étirer a l'extrême, ou au contraire se condenser et devenir dur comme du diamant. La densité toute spéciale que prend le temps a un gout vraiment particulier que je suis bien incapable de décrire... et qui pourtant me semble être a la racine de ce que l'on peut sentir seul en mer.

 On passe beaucoup de temps a sentir l'environnement, sentir les mouvements, les changements du vent car il s'agit d'essayer d'anticiper le temps, de quoi sera fait le monde dans quelques heures... il m'est arrivé lors d'une étape assez longue, de faire des rêves qui ne comportaient rien d'autre que la houle et le ciel, ni moi ni mon bateau ni aucun autre être n'apparaissaient, juste la mer et le ciel; pour illustrer à quel point on peut s'enivrer de ce milieu. Et le bateau évolue, posé entre la mer et le ciel et usant des deux pour avancer.


 Seul témoin de ces temps passés loin de tout, et vouloir en parler, vouloir expliquer ou décrire finalement un monde dont on serait le seul survivant... c'est bien difficile.





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Sources :
-Discussions avec d'autres navigateurs solitaires
-Doc sur la solitaire du figaro :
http://www.polefinistere.com/fr/le_pole/documentation/ 
-LE SOMMEIL, LES RÊVES ET L'ÉVEIL / CNRS :
http://sommeil.univ-lyon1.fr/articles/valatx/mh_88/print.php 
-Hallucinations en haute mer : http://www.lemonde.fr/sport/article/2012/12/13/vendee-globe-hallucinations-en-haute-mer_1806202_3242.html
-Desjoyeaux en solo je vis des moments rares :
http://www.lexpress.fr/actualite/sport/michel-desjoyeaux-en-solo-je-vis-des-moments-rares_731743.html
-http://www.hisse-et-oh.com/forums